[Quête] Combien de sucres ? [Spade]

Nous disions donc, un café noir, sans sucres. Merci.

Commande passée, le Karnak ne trouva pas mieux à faire que de poser les pieds sur la carcasse sanguinolente du tas de barbaque anciennement humain venu le provoquer par manque d'appréciation de ses consommations. Selon le type, boire du café dans un bar était hautement inadapté et cela l'avait tant agacé que la perspective de lui flanquer une correction avec pour seule faute commise celle du choix de ses breuvages était la seule envisageable. Seulement, le sac à vin n'avait pas imaginé défier un tireur expérimenté et rodé par des années de métier en tentant de lui écraser son poing sur le visage et s'était retrouvé maitrisé en un tour de main, avant de se voir restituer la hargne mise dans son coup avec les intérêts. Le résultat était là, baignant dans une flaque écarlate s'étendant au sol, reconverti en repose-pieds à base de chair humaine pour le traqueur installé au comptoir. Les tabourets n'étaient pas d'un grand confort mais il ne fallait pas s'attendre à mieux s'il se fiait à la qualité de l'établissement. Hélas, localiser un commerce de cet acabit qui soit ouvert et pas encore tombé aux mains des dictateurs n'était pas monnaie courante, l'alcool ne courant déjà plus les rues puisque sa plus grande majorité avait été confisquée par le régime en place.

Et ce n'était pas l'hérésie ambiante qui allait contraindre Aker à se laisser marcher sur les pieds, l'endroit n'étant déjà pas pour lui plaire. S'il y était entré, c'était bien pour y attendre celui devenu son compère et associé depuis quelques jours. Sans cela, il n'y aurait même pas posé un pied aventureux, ne fut-ce que pour la couche de poussière dans laquelle ses pas restèrent ciselés dès qu'il s'avança plus loin que la porte d'entrée. Un rade miteux sans prétention où la discrétion était assurément de mise tant l'endroit était d'un glauque fini, les vapeurs d'alcool et le parfum sucré des employées flottant dans l'atmosphère pour s'y mêler à une odeur de tabac trop insistante. Curieux cocktail. Passant l'index dans la anse de sa tasse une fois celle-ci posée devant lui sur une soucoupe joliment décorée par les mains tremblantes du serveur, le pistolero pivota naturellement en direction de l'entrée pour pouvoir dévisager tout arrivant, et ainsi reconnaitre de loin celui qu'il attendait tout en surveillant l'écoulement sanguin de son agrément de confort organique. Souiller ses bottes pour ce pilier de comptoir n'était pas au programme, et il renforça cette pensée en dépliant une fois de plus le journal qu'il avait emmené par commodité. De quoi allait-il être question ? Soudain, une silhouette connue se découpa dans l'ambiance enfumée du local, lui faisant replier le quotidien qu'il tenait.

J'ai failli attendre.