Exode en terre sauvage [PV]

La défaite au tournoi avait été sèche, mais très réaliste. Il était clair qu'à mon niveau, très peu élevé, du moins pas assez pour rivaliser avec les grands de ce monde, je ne pouvais pas réussir à défaire de coriaces adversaires. Smertrios me l'avait montré à plusieurs reprises ces dernières semaines, et j'avais préféré ne pas l'écouter au départ. Pourtant l'évidence est là, je manque cruellement d'entraînement, ce qui implique que je suis trop faible. Seulement il ne suffit pas de le reconnaître pour que tout change, du jour au lendemain. Non, il faut que je repousse les mots et ne prenne que les actes concrets. Il faut que je continue d'aller de l'avant, sans me mettre constamment en question. Il faut que je gagne confiance en moi-même, que je pousse ma propre estime à augmenter un peu. Si je ne me crois pas capable d'aller loin, alors comment le pourrais-je réellement. Sortant la tête en bas de la ville, quelques instants avant de l'arène, je n'avais même pas pris la peine d'aller féliciter les vainqueurs et remercier mon camarade. Je n'aime pas trop l'hypocrisie, c'est pourquoi je ne peux pas m'en imposer, quitte à passer pour l'ingrat de base. Si ma réputation doit être des plus mauvaises, cela me va. Tant que je réussis en contrepartie à accroître ma force. Qui plus est, cela m'aurait vraiment trop fait mal de congratuler celui qui remporta ce beau petit prix.

Résolu dans mon idiotie, j'avais loué une petite bicoque, et était parti rejoindre la Terre Interdite comme beaucoup la surnommer. J'avais entendu un nombre conséquent de rumeur quant au Walhala, sans qu'aucune ne puissent être véridiquement confirmées. Pour certaines, il ne s'agissait que des affabulations de vieux hommes, qui avaient un jour le malheur d'y rester bloquer. Une expérience traumatisante pour les faibles se révèle souvent par la suite comme un délire permanent sur le sujet du trouble psychotique. Cependant, il est vrai que je n'en ai jamais eu de retour positif. Peut-être parce que tous ceux qui s'y sont plu ont trépassé depuis un moment, sans même jamais pouvoir rejoindre leur terre. Cela ne m'étonnerait pas qu'ils aient eu un excès de confiance, et soient restés quelques heures en trop, scellant d'un coup leur misérable destiné. Qui sait, si ce n'est mon Dieu Tout Puissant. J'ai foi en Smertrios, et je sais qu'avec lui je vaincrais, quoiqu'il arrive. Enfin je l'espère à partir de maintenant, car avant ce n'était pas vraiment ça. Et que sans cette croyance aveugle je n'irais sûrement pas en ces maudites étendues gelées.

Ayant au préalable calculé mon coup, j'étais parvenu à atteindre les côtes avant l'heure du midi. Pourtant, le jour filtrait à peine à travers les épais nuages qui recouvraient nos têtes. L'ensemble donnait un ton glauque et menaçant aux environs. Faisant fi de l'aspect esthétique, je m'étais engagé dans la "jungle", paume de la main posé contre le manche de Requiem. Car il se pourrait que j'ai à réagir au quart de tour dans les minutes à venir. Ou pas, mais cela m'étonnerait.

Le début de mon voyage initiatique, si j'ose dire, et somme toute très tranquille. Je ne rencontre personne, si ce n'est un peu de la faune sauvage, fuyant en me voyant arriver vers eux. Les bruits habituels, rassurant, se font ouïr de part et d'autre de moi. Des bruissements, le vent soufflant dans les arbres, des craquements de branches, jusqu'à l'hurlement lugubre d'un quelconque volatile. L'ambiance fantomatique du lieu appuie le peu de confiance qu'on peut avoir, en soi même, lorsque l'on marche désespérément à travers ces landes. Et plus je marche, moins je suis rassuré, empoignant plus fermement le manche de mon Requiem.

Et alors que je débouche sur une petite clairière, les bruits se taisent d'un coup. Pas de diminution progressive, loin de là. En quelques instants, on passe d'un vacarme assourdissant au silence le plus totale. Je stoppe ma progression, tire légèrement sur la garde de mon épée, histoire que la lame dépasse du fourreau, et attends une quelconque réaction de l'environnement. Je m'applique à faire le moins de bruit possible, et à écouter les alentours, pour déceler l'éventuelle position d'un probable futur assaillant. Des mouvements sont fais de manière fréquente, sans que je ne parvienne à comprendre d'où ils peuvent venir. Ce qui a, pour le dire franchement, le don de m'énerver.

C'est alors que je commence à relâcher mon attention, pensant à un bête animal à l'égo surdimensionné qu'un homme masqué surgit hors des branchages, accourant vers moi à tout vitesse. Souriant, satisfait qu'il se soit enfin décidé à se dévoiler, je l'imite, lame toujours rangée. Arrivé à quelques mètres de lui, je m'arrête en dérapant sur le sol humide, bloque ma jambe la plus avancée et dégaine d'un coup mon épée, l'accompagnant vers sa cible. L'attaque est brutale, sans pitié, et je lui arrache une bonne largeur de peau, au niveau stomacale. Et alors que l'épée semble entamer une rotation complète avec moi, je prends de nouveau appuie sur le pied fixe, et pars dans le sens inverse, retentant la même technique. Néanmoins, il a eu le temps de dégainer une sorte de massue et de bloquer le coup. Le choc, sec, propage tout le long de mon arme de puissantes vibrations. Desserrant ma prise pour ne pas me faire trop surprendre, c'est tout le contraire qui se passe. A peine l'ais-je fais que le bandit repousse ma lame avec son lourd instrument et me frappe durement avec son poing. Je sens comme quelques craquements sur mon visage, recule sous l'impact, et secoue la tête pour me ressaisir. Je ne prends pas le temps plus que ça de recouvrir mes esprits, et loupe largement mon coup suivant.

Rangeant alors d'instinct mon arme, car comprenant quand même qu'il est trop prêt pour que je puisse l'atteindre, je fais une prouesse inutile, celui du salto arrière. Par contre, cela me permet d'esquiver un premier coup de massue, que je perçois passer au travers mes vêtements, puis un second dont seul le déplacement d'air parvient à me toucher. Une fois remise droit, je frappe dans mes mains rapidement, effectue des signes variables, et tape le sol frais avec ma paume. Quatre colonnes émergent alors de la terre, encadrant le brigand. Une seconde plus tard, d'énormes pics en sortent et embrochent vif mon opposant. Son sang coule hors de multiplies nouveaux orifices, et il pousse un long soupir d'agonie avant de se résigner à crever. Et une brochette, une!