Dans les nuages [PV]

Remis de cette attaque ayant pour seul but de me faire quitter le pont afin de ne pas gêner les manœuvres et à me faire rentrer dans ma cabine tel le passager conciliant que j'étais, j'avais attendu la fin d'un somme piqué à l'improviste pour en ressortir, à la nuit tombée. Les ténèbres s'étaient étendues sur les cieux et nous naviguions en plein dedans, le bateau continuant d'avancer quelles que soient les conditions, de jour comme de nuit. Nous arriverions certainement très bientôt et je ne pus m'empêcher d'esquisser un sourire à la pensée de retrouver mes quartiers, soit ma chambre et tout ce que je n'avais pu emporter avec moi au cours de ce voyage. Je n'étais décidément pas fait pour les déplacements car la nostalgie et le mal du pays me rattrapaient trop vite et me rendaient aussitôt d'une efficience moindre, aussi était-ce à éviter. Cela me ferait au moins une excuse pour éviter le prochain exil forcé du même genre que celui-ci plutôt que de ne pouvoir que subir sans avoir mon mot à dire.

Dans tous les cas je pourrais me plaindre d'avoir été victime de quelques agressions au cours de ce séjour et sans doute aurais-je droit à un délai déterminé avant qu'on ne me refasse le même coup, ce dont je n'étais absolument pas pressé. Mais en attendant, je ne pouvais que profiter du confort de mon moyen de locomotion et de la brise nocturne qui venait me caresser le visage depuis que j'avais ouvert le hublot, désireux de sentir l'air frais sur mon visage pour aider à mon plein réveil. J'appréciais grandement de pouvoir fixer la profondeur obscure de ce type de décor et surtout les nombreuses étoiles qui venaient le piqueter de leurs blanches lueurs, c'était pour moi la plus belle des peintures. Une toile de maitre réalisée d'une man céleste dont la beauté n'avait d'égal que la tranquillité. Mais lorsque je sentis le convoi s'ébranler et un rude choc parcourir le navire au grand complet, je sus que ce calme auquel j'aspirais tant n'allait plus durer, et empoignais Skeith à contrecœur avant d'ouvrir précautionneusement la porte derrière laquelle je siégeais pour observer d'un œil discret la cause de ce tumulte inopiné.

Les kobolds. D'hideux petits personnages n'ayant pour but dans la vie que de pourrir celle des autres. J'ignorais comment ces êtres avaient pu arriver là mais c'était un fait, ils y étaient. Ce à quoi j'allais m'opposer farouchement, ou du moins avais-je tout intérêt à le faire si je ne voulais pas qu'ils s'arrangent pour nous faire chavirer. Un naufrage serait si vite arrivé si on laissait à cette prolifération d'horreurs l'accès à la barre... Je ne voulais même pas imaginer le peu de délai qu'il leur faudrait pour nous faire percuter un ilot terreux environnant ou nous expédier par le fond. C'était impensable que de tels êtres nous dérangent en plein voyage, et pourtant... Au moins, une chose était sûre : j'étais bien rentré au pays, sans quoi je n'aurais certainement pas pu tomber sur cette détestable ethnie que j'allais me faire un plaisir d'éjecter du navire à grand renfort de coups de pied dans l'arrière-train, et ce avec mes semelles blindées pour relever tout l'intérêt de la chose. Quitte à le faire, autant le faire bien et c'est d'un pas décidé que je m'avançais vers le premier spécimen qui approcha assez près pour que je puisse discerner la laideur de ses traits.

Messieurs, je vous propose ceci : le premier qui se débarrasse du sien l'emporte !

D'un coup de porte que j'ouvrais à la volée, je l'envoyais valser et me rapprochais d'un bond pour lui percer le bras de ma lance après l'avoir fait tourbillonner dans un sifflement n'annonçant rien de bon pour ces maudites abominations que j'allais me faire un plaisir de jeter par-dessus bord dès que nous aurions fini de les repousser. Le combat faisait déjà rage sur la navette et nous étions tous sans exception aux prises avec eux, ne demandant qu'à nous en débarrasser. Dès lors, au vu de la faiblesse de ces sous-hommes à l'apparence repoussante, nous pouvions en déduire que chacun de nous remporterait son combat. le tout était maintenant de savoir qui serait le premier à le faire. Nimbé d'une parcelle de facétie, j'esquissais un sourire en voyant le capitaine les repousser de sa jambe de bois et profitais de ce que la pointe de mon arme ait pénétré les chairs de cette chose pour la soulever de terre avant de l'y renvoyer, frappant le sol de toutes mes forces et faisant pivoter la lame dans sa blessure.

L'horrible cri qu'il poussa me fit comprendre que cette torture ne lui réussissait pas, ce qui me fit me précipiter dans sa direction pour libérer ma lame en le gratifiant d'un fantastique coup de pied qui l'en séparerait. Et alors que son corps volait sur plusieurs mètres, pantin désarticulé et ensanglanté, je m'empressais de nettoyer l'extrémité de mon instrument martial d'un pan de ma cape cobalt pour en faire disparaitre toute souillure, m'approchant d'une démarche fluide et légère de ma victime, hoquetant dans son sang. Faisant tournoyer mon arme une fois de plus, je l'abattais sans crier gare au travers de son poitrail et un dernier spasme l'agita avant qu'il ne rende l'âme dans une flaque écarlate, dont je me dépêchais de l'arracher pour le jeter par-dessus bord. Une bonne chose de faite...