Parmi les Ombres [pv Spade]

Une brise légère souleva une mèche de cheveux qui lui barrait le front. Malgré le volet rabattu, un rayon de soleil aventureux irradiait le visage de la jeune femme. La matinée était bien avancée et Abysse commençait tout juste à s’éveiller. Tout en gardant les yeux fermement clos, elle s’agita doucement et finit par s’étirer en poussant un râle de satisfaction. Elle ne s’était pas reposée durant une nuit complète depuis des lustres. A dire vrai, l’essentiel de son travail l’a forcée à rester éveillée lorsque la ville s’endormait.

Après un rapide brin de toilette, The Ghost enfila son éternelle tenue noire composée d’un corset, un pantalon moulant en toile épaisse, diverses protections, un lourd blouson en cuir. Elle prit aussi le soin de glisser deux bonnes dizaines d’aiguilles, un couteau et une dague à lame courbe dans ses habits. Une fois parée, la jeune femme ébouriffa ses cheveux d’une main distraite et quitta la chambre de l’auberge. Abysse ne s’y attarda guère plus longtemps et plongea, encore un peu groggy, dans le tumulte de la ville qui s’éveillait avec elle.

The Ghost déambula un moment dans les rues sans but précis avant de décider de se mettre en chasse. Il était temps de glaner quelques informations au grès des rues et surtout de délester quelques aimables passants de leur bourse. Avec une habileté déconcertante, elle frôla trois hommes et les débarrassa de leurs deniers. Abysse virevoltait à travers la foule, se frayait un chemin avec souplesse et habileté. En une fraction de seconde, sa main se glisser délicatement dans les vestes à la recherches de quelques bourses. A mesure que les poches de la voleuses s’emplissaient, son humeur se faisait plus croustillante. Elle affichait un sourire amusé et se complaisait à voler sans aucun scrupule. Il fallait bien se contenter de ce que la vie nous offrait. Et puis, les temps étaient durs…même pour les voleurs.

Les poches du blouson de la jeune femme commençaient à peser à mesure qu’elles se remplissaient. Il était temps qu’Abysse contemple de plus près sa prise et se débarrasse du superflu. En d’autres termes, rester dans une avenue aussi fréquentée n’était plus conseillé. The Ghost devait donc s’éclipser au plus vite et s’éloigner de la foule pour contempler ses méfaits. D’un geste vif, Abysse se saisit d’un couvre-chef qui trônait sur la tête d’un passant. Elle le posa d’un mouvement ample sur le sommet de son crâne avec un sourire ravi. Il s’agissait d’un chapeau en cuir à large bord, entièrement noir. La forme lui rappelait à s’y méprendre aux éternels chapeaux de certains fermiers qui s’amusaient à attraper leurs bêtes avec des lassos.

Evidemment, le nouveau vol d’Abysse ne passa pas inaperçu. A dire vrai, elle ne comptait guère plus sur sa discrétion. En effet, The Ghost jeta un regard malicieux en arrière tandis qu’elle tendit son bras devant elle. Du bout des doigts, elle saisit le vide. Les contours de sa main se firent alors plus abstraits. Elle tira d’un coup sec vers elle et disparut. The Ghost venait de quitter cet univers pour une toute autre dimension : le monde des limbes. Elle venait momentanément de disparaître. A présent, son existence même sur terre pouvait être mise en doute. Elle avait totalement disparu.

Quelques secondes après sa disparition, la jeune femme réapparut quelques ruelles plus loin. Elle n’avait pas pris la peine de trop s’éloigner. Il était peu probable que la victime de son chapardage la retrouve et puisse même deviner où elle avait bien pu fuir. Non, il n’était guère assez malin pour ça. Se jugeant en sécurité, Abysse s’adossa donc contre le mur d’une bâtisse et entreprit de fouiller ses poches afin de les délester de leurs contenus. La prise du jour semblait bonne. Maintenant, il ne restait plus qu’à savoir ce qu’elle lui réservait.