[Quête] Pourri de l'intérieur [Arsiesys]

Marrant ça. Quoi je me répète? Des tics de langage? Sait pas, je m'écoute pas parler moi...bref, c'est pas le propos. Ce que je trouvais "drôle", du coup, c'était ce petit événement de ce matin qui m'avait bien intrigué. Je vous plante le décor. On était tranquillement installés dans l'auberge qui était devenue le quartier général momentané de notre groupe, à mes compagnons et moi, et on prenait tranquillement notre déjeuner lorsque, au détour d'une conversation animée sur les projets à venir de notre association, j'avais capté à l'autre bout de la salle un échange qui me titilla au plus haut point. Quoi, vous doutez de mon ouïe? Sachez qu'étant parfaitement entrainé pour survivre dans un milieu surpeuplé, je peux entendre une mouche péter dans un concert de cornemuses, et ouais. Mais là n'est pas le sujet, c'est surtout ce qui se dit à ce moment là qui capta mon attention. Rebelle, attentat, arrestations, apparemment ça bougeait au pays de l'hydromel. Me tournant vers mon cher camarade aux cheveux couleur ciel au crépuscule (longue description, n'est il pas?), j'attirais son attention sur les deux barbus qui discutaillaient au fond.

Bah quoi? J'y trouvais mon beurre, dans l'affaire. Parce que faut pas croire, les attentats, le chaos, tout ça, c'est peut être beau dans les livres, mais comment voulez vous que le commerce marche si c'est le bordel dans le pays? Qui dit instabilité dit récession, et donc plus de riches à plumer, plus de stock à écouler au marché noir. Et d'après ce que j'avais entendu, sur le groupe en question, si le but était de détruire le royaume Valkor - ce dont je doutais un peu, on est pas dans une saga tout de même ! - ça voulait dire que mettre le truc à l'eau pouvait m'ouvrir des portes pour d'autres perspectives pour l'avenir. Je m'approchais donc des deux types assis sur leur bancs, face à leurs bières. Barbe blonde, yeux bleus, des purs, des durs, avec des biscottos mais pas trop.

Et paf. Façon carte de visite. Super, j'avais le chic pour mettre n'importe qui dans ma poche. Les types en avaient la barbe qui leur remontait jusqu'aux sourcils, tout à leur sourires. Et je les laissait donc déblatérer.

Chouette, chouette. De l'action, de l'aventure, du suspense, des cheveux bleus. What Else?

Un bâillement. Encore un. Ça en devenait lassant. C'est à cela qu'est condamné le pauvre bougre qui a eu le malheur de garder le nez enfoui dans ses bouquins jusqu'à tard dans la nuit, sans prévoir que le lendemain serait placé sous l'emblème de l'aventure. Le pied posé sur le seuil de sa chambre avait été son seul geste libre de toute influence avant d'être hameçonné par Stilgard. Les paupières si dures à ouvrir qu'on aurait cru qu'elles étaient closes à la colle forte finirent par s'ouvrir à grand renfort d'ingéniosité et de frottements, et ses prunelles azurées ternies par la fatigue purent enfin distinguer la mine extatique du voleur. Curieusement, si la brume qui régnait dans sa tête l'empêchait de cogiter, ce faciès ne disait rien qui vaille. Comme quoi, même avec un repos nettement insuffisant et une conscience aussi dynamique qu'un escargot de bourgogne en pleine cuisson, l'instinct ne trompe pas. Dommage... Soit. C'est donc pourquoi, sans avoir compris pourquoi avant que quelques heures ne se soient écoulées, saisir le but de leur voyage trainé en longueur fut un calvaire. À voir ce qu'était le pire entre son incrédulité bétonnée du début et la mine déconfite qui prit la relève une fois ses esprits rassemblés. Si l'ensemble de Divum Legi entretenait une ambiance du tonnerre, ce tandem-ci avait le chic pour attirer les misères et contrariétés par toutes les voies possibles et imaginables. Se lancer sur cette piste en jouant aux détectives en herbe n'avait aucune chance de faire exception, et l'archer le savait pertinemment.

D'où cette réticence. Le problème était certainement d'être déjà à mi-chemin jusqu'à la navette qui les emmènerait jusqu'au Walhalla. Sa sauvagerie, ses mystères, son décor dépourvu d'entretien... Et les mille et uns écueils qui les attendaient au tournant. On avait rarement vu mieux, pour ce qui est du programme. Une fois de plus, une fois de moins, certes. Mais être consulté avant est toujours plus sympathique. Encore que cela avait peut-être été fait pendant son pataugeage dans le brouillard mental... C'était une bonne leçon donnée par la fatalité, si on veut. Loin de son peigne comme de ses autres effets personnels, sa toilette se résuma à se coiffer manuellement. Le seul objet que même son état comateux n'avait pas ignoré était son précieux livre, lequel battait contre son flanc sur la cadence de son avancée, sur les talons du responsable de cette nouvelle expédition. Des heures s'étaient égrenées depuis que leur traverse restait gravée dans le linceul d'opale des neiges impérissables. Si l'arrivée jusqu'au point de chute visé serait sans encombres grâce aux vaisseaux qui faisaient régulièrement escale aux abords des récifs de l'ile, se rendre jusqu'au point d'embarquement n'était pas aussi enfantin. Les arbres décharné se succédant de chaque côté de la route, chaque fois plus torturé dans les attitudes qui avaient l'air de ressortir de la disposition de leurs branches mises à nu.

L'air se raréfiait à mesure que s'enchaînait dans une boucle infernale la monotonie du trajet. Conversant à bâtons rompus pour tuer le temps avant que l'inverse ne se produise par ennui, Arsiesys ne put s'empêcher de remarquer l'étrange resserrement des branchages, entrelacés entre eux de plus en plus jusqu'à ronger les parcelles de ciel visibles si on se donnait la peine d'observer les hauteurs. Et ce, jusqu'à ce que le noir le plus total les attende au bout du chemin. Une odeur fauve agressa les narines de l'historien qui stoppa le pas automatiquement, alarmé. Une masse indistincte, jusqu'ici roulée en boule, sembla revenir à elle dans un grondement caverneux ne prévenant de rien de bon. La teinte jaunâtre de prunelles luisant méchamment agressèrent leur vision dans la pénombre. Et après, on ira encore dire que c'est le seul à voir le mal partout... Il ne faudra pas venir pleurer... Mi-dépité de sa perspicacité effarante, mi-abasourdi par cette apparition, c'est à grand mal que son arc se matérialisa pour offrir un éclairage avare aux deux comparses. Ce qui les aida à discerner un museau assez grand que pour engloutir un homme de taille adulte d'une bouchée, ce que souligna la dentition acérée blanchie à la perfection de ce canidé dopé aux hormones de croissances. Encore une chance que l'envie ne le prenne pas de leur baver dessus... Pour le moment.

Bon, on avait assez d'info pour savoir qu'il fallait prospecter du côté de...du côté du Walhalla. Super, vacances touristiques avec sûrement un séjour de rêve à la clé. En même temps, cela s'avérait logique, aller dans cet endroit quasi-tabou pour se cacher et pouvoir foutre le bordel comme il faut. Ouais, ça m'intriguait d'autant plus. J'avais donc pris mes dispositions pour nous assurer un voyage sur l'une des petites navettes faisant le trajet à proximité de Walhalla, histoire qu'on nous largue à proximité de l'endroit où se trouvait le présumé repaire de ces types. Au final, parcourant le chemin enneigé aux côtés de mon compagnons qui l'avait vraiment mauvaise, semblait il, je réfléchissais à toute cette tambouille d'informations qui nous avaient été données. J'avais beau faire, tout ça collait pas. Nan, vraiment, cette histoire me paraissait bizarre, d'un bout à l'autre. Peut être encore une fois étais je parano, mais mon sens de la merdouille me trompait rarement.

Autour de nous, le blanc vif de la neige reflétant le soleil agressait les yeux, et la morsure intense du froid rajoutait à mon malaise. Ouais, je vomissais ce pays, j'exsudais mon mépris envers cette patrie de vieux barbus réactionnaire, tout juste bons à aller se perdre dans les brumes de leur mer à la con. Pourquoi tant de haine hein? Bah, ça sera pour une autre fois, l'histoire passionnante de mes pérégrinations en terre Valkor. Le plus important pour le moment, c'était l'horrible odeur de bête fauve, additionnée au fait que les oiseaux avaient tus leurs doux gazouillis. Encore une fois, comme une touffe de cheveux sur la soupe, on venait nous causer du tort. Super, et en l'occurrence le gêneur avait pris les traits d'une affreuse bébête poilue, et pleine de crocs. J'avais encore jamais vu un Fenryl de près, et je dois dire qu'en revenant sur cette rencontre, j'aurais dû m'estimer content d'en avoir jamais rencontré. Quoique, si les choses s'étaient passées autrement...

Je vous explique. On voit la bestiole, première approche, rugissements, et tout et tout. Et là, mon acolyte se décide à canarder à tout va, pilonnant le toutou comme s'il l'avait battu à coup de journal, parce qu'il lui avait mâchonné ses pantoufles. Moi, qui était déjà parti dans ma course pour me le farcir, je me retourne un instant, jetant un regard incrédule vers Arsiesys, puis je constate que le monstre est sur moi, franchement mécontent d'en avoir déjà pris plein le museau. L'occasion en or. Je rentre dans la mêlée, ma dague en prolongement de mon bras armé faisant des cercles meurtriers en direction de la gorge de l'animal. Et lui essaye bien de me mâchouiller un peu, mais se fait vite rembarrer par un énième tir qui finit de le calmer, le laissant langue pendante dans la neige. Et voilà, j'avais pas pu en placer une. Combat épique, n'est-il pas? Je me tournais alors vers mon ami, l'air franchement vexé.

Prenant mon temps, je m'attaquais au dépeçage de la bête. Mine de rien, l'avantage avec la magie, c'est que quand on voulait flinguer quelqu'un, ça laissait pas forcément de trace. Donc la fourrure était relativement nickel. Ça fait un peu gros hein, de se mettre de suite à dépecer la chose, comme ça, sans raison? Ouais, peut être, mais j'avais une idée derrière la tête, et je comptai bien mettre de mon côté tous les coups fourrés possible. Me tournant de nouveau vers mon compagnon, je lui signalais que je ne lui en tenait pas rigueur pour autant.

Ce n'était ni un cheveu, ni une pleine mèche sur la soupe qui s'opposait à eux, mais bien le complet pelage mal lustré d'un canidé démesuré prêt à les confondre avec deux biscottes. Son petit déjeuner, en somme, puisque la bête avait tout l'air d'être moins matinales qu'eux, et ne s'était donc encore rien calé dans l'espace. Cela se lisait dans son regard que, de sa propre opinion, cela n'allait plus tarder, et l'incident serait réparé d'ici quelques minutes. Cependant, tout ce qui aurait lieu serait un quiproquo, les deux « plats » qui se dandinaient sous son nez n'ayant pas de grande passion pour l'ornement de table et d'assiette. Le mal était fait avec cette erreur de casting, pas de remords à avoir, donc, en claquant la porte pour déguerpir comme des malpropres. Pas avant d'avoir salué en bonne et due forme l'employeur frustré, évidemment, qui ne semblait pas vouloir comprendre leur inadaptation à ce rôle en marge des habituels. Si le manque de convenance de ce choix était flagrant, au moins avait-il le mérite de leur donner l'opportunité de voir un Fenryl au meilleur de sa forme, autre part que dans les livres en ce qui concerne l'archer. Pour ce qui est de Stilgard, la mine déconfite qu'il tirait de tout son saoul laissait à penser qu'il avait déjà dans l'idée que ce n'était pas qu'un bon gros toutou affolé à l'idée de jouer à la balle. Balle qui, en l'occurence, prendrait la forme de l'un d'entre eux et finirait éclatée avant d'avoir pu finir sa série de rebonds caoutchouteux.

Les aventuriers durent donc calmer le monstre aux deux rangées de dents aussi aguichantes qu'une riche collection de lames de rasoir manquant de rangement avant de pouvoir poursuivre leur quête, hélas pas d'employeur en regagnant leur agence, mais bien à la recherche d'informations complémentaires qui les avanceraient un chouïa du point de vue des individus dans le collimateur. Taper sur les doigts de ces gaillards comme le voulait la mission dont ils s'étaient improvisés volontaires, contre le gré de l'historien, demandait un minimum de renseignement pour que ce ne soient pas eux qui se fassent corriger. En apprendre plus sur le mode de fonctionnement et les capacités de combat moyennes de ces terroristes en herbe serait un grand pas en avant... À prier pour que celui-ci ne soit pas effectué au bord du précipice. Néanmoins, le théorème spatio-temporel qui semblait entrer en résonance lors de leurs régulières coopérations avait toujours fait montre d'une chance insolente qui leur courait après avec l'endurance d'un coureur du marathon patenté incapable de se décider à lâcher prise. De fait, on pouvait miser sur ce facteur additionnel pour leur sauver la mise une fois encore même lorsque tout semblait perdu. Évidemment, hors de question de s'en remettre uniquement à cette assistance céleste : ce serait sans doute le seul point faible à y trouver, la faille dans la cuirasse, les racines de la déperdition.

Aussi, n'y compter que quand la situation serait désespérée, récurent en cas d'alliance de leur part, était prépondérant à la mise en marche de ces coups du sort aussi précaires que spectaculaires. Difficile de croire que c'était la raison centrale du fait qu'ils sortent sauf de chacun de leur pique-nique à la sauce mission impossible. La principale stabilité de cet axiome était que même le cas le plus inattendu était récupérable sans être passés préalablement à la moulinette, contrairement à tout ce que laissait croire une position désavantageuse à outrance. Au bout de quelques représentations de cet ingrédient-miracle, ce n'était plus si choquant. Juste un pli à prendre pour ne pas se retrouver sur le cul à chaque arrivée sur le devant de la scène. Bref, le clébard était renvoyé à la niche ad patres, et tout est bien qui finit bien. Au fil des combats, Arsiesys ne pouvait que se découvrir une aptitude affirmée à clore les affrontements en mettant en déroute les créatures. Ses traits étaient d'une efficacité éblouissante, et être parfaitement enclin à mitrailler jusqu'à s'en saigner les doigts sans perdre le tempo était un point fort incontestable. En un mot, une brute malgré lui. Dire que ce n'était initialement qu'un moyen de défense, et une infime partie des aptitudes magiques en sa possession si...

Sa réflexion sur son rendement dut être remise à plus tard, neutralisée par l'intervention de son collègue aux réflexes critiquables de brigand. Constatant qu'une fois de plus, cette lubie du vol était en action, le métisse se passa même du soupir d'habitude lâché à cette démonstration d'avarice. On ne le changerait plus. Mi-figue mi-raisin, il afficha un sourire partagé entre la goguenardise et la décontraction.

Leur installation ici bas était encore proche, mais déjà, les tics de langage faisaient leur nid. De plus, en dehors de la rencontre qu'ils avaient faite dans l'aridité des Terres Brûlées, aucune idée n'avait frôlé l'esprit vif de l'écrivain quand aux comparaisons animales qui pourraient fonctionner avec son complice en terme de piques humoristiques. Autant donc recourir à celles de son pays natal, qui auraient bien plus de poids que n'importe quelles autres, et marquer le coup de sa facilité d'acclimatation tant qu'à faire. Faisant les cent pas pour ne pas laisser son corps s'engourdir et inspecter l'animal sous toutes ses coutures, au cas où cela donnerait accès à quelque chose qui mériterait cette méticulosité, le natif d'Arkady se frictionna les bras énergiquement. Sa précision n'avait pas fait les frais des affres du climat cette fois, mais qu'en serait-il à la prochaine mauvaise rencontre ? Embrumé dans l'épais panache blanchâtre sorti de ses lèvres à chaque nouvelle respiration, sa principale pensée était pour s'interdire l'immobilisme jusqu'à repartir de plus belle.

Ouais, l'avait pas tort. En fait, il me restait juste à enrouler la fourrure, avant de la caler sur mon sac de voyage, que j'avais pris le soin d'emmener au cas où. Mais le petit Arsy disait vrai quand il suggérait de se magner le train. Et, des deux, j'étais peut être le plus pressé. J'avais une histoire à régler dans ce traquenard, et je comptais bien éclaircir la brume qui se baladait devant mon museau pour me narguer.

Me redressant, je débutais l'ascension vers le point où le navire nous attendait sûrement. Le chemin n'était pas bien long, mais le relief associé au climat franchement pourri ne facilitait pas la tâche, mais alors pas du tout. C'était d'ailleurs à se demander comment mon acolyte avait pu maintenir aussi longtemps sa tête dans son fion, par cet air rafraichissant. Mes pas crissant dans la neige toute fraiche du matin, je ne tournais même plus la tête vers lui, sachant que ce bougre de cactus bleu se débrouillait de toute façon très bien, quelle que soit la situation. A vrai dire, j'aurai très bien pu l'envoyer seul en mission, et attendre qu'il s'occupe du travail de dératisation. Après ce que j'avais vu de lui, je ne lui accordais plus aucune limite. En même temps, s'il n'avait pas tout le temps un gentil gentleman pour lui servir de plot et divertir sa cible, je ne sais pas s'il ferait si souvent carton plein. Mais trève de philosophie, le froid me donnait la migraine. Quelle belle représentation des Valkor...mais au fait...

Bah ouais quoi, l'était temps d'en savoir plus sur lui...depuis le temps qu'on défouraillaient ensemble, j'avais bien le droit de connaitre un peu la vie de celui pour qui je risquais la mienne à chaque combat. Et puis, cela m'aidait à oublier que j'étais dans un patelin pourri, entouré de types barbares et pourris, à renier tout ce pourquoi j'avais vécu jusque là. Et en plus, cette saleté de neige collait à mes bottes de cuir tanné. Et pour de telles bottes, cela équivalait à une séance de torture sur des brasiers ardents. Bref, je haïssais toujours l'archipel Midgard, j'exsudais mon dégoût par chaque parcelle de mon être. S'il n'y avait pas eu cet indice, cette référence dans la conversation...j'aurai depuis longtemps laissé tomber ces rumeurs à la con.

Stilgard nanti du fruit de son larcin, ils purent reprendre la route et cheminer jusqu'à destination sans faire face à d'autres impondérables anicroches. L'évacuation des lieux se fit dans le calme, leur sillage n'étant fait que des restes purgés de vie de ce qui fut un rempart à la courte carrière. Si ce domptage martial n'avait pas causé de dommages dans leur invulnérable tandem, le ralentissement engendré sur leurs horaires était tout sauf recevable, et donc de forcer l'allure jusqu'à entrapercevoir que leur véhicule restait à leur disposition, soulignant la vivacité d'exécution du sanguinaire dépecé par les soins de son pillard d'acolyte. Les impacts véloces des décharges envoutées n'avaient pas souillé la parure naturelle de la défunte bête, son statut de matériau protégé par la facticité de son instrument. À l'interrogation jaillissant de la parole de son compagnon de route, l'historien esquissa un chaleureux sourire, enjoué suite à ce qu'il interprétait à la façon d'une touche d'humour. Ce n'était point la première fois que ce genre de remarque se mêlait à la conversation. Toutefois, il était toujours aussi amusant dans son optique d'en faire l'objet. Rien ne l'embarrassait dans cette interrogation : ses origines n'étaient pas reniées pour un sou, aussi impures que certains les qualifieraient. D'après ses propres dogmes, un homme ne doit sa valeur qu'à sa propre personne et à nulle autre. Qu'importe sa provenance, ses mœurs, ses us et coutume. L'on vit de soi-même, et non des autres, et c'est par qui l'on est que l'on doit être jugé, sans tenir compte d'autres équations. Comme d'ordinaire, la politesse d'y répondre fut de rigueur, une fois le pouffement muselé.

L'infinité du vide, calfeutrée dans son mortuaire écrin nuageux qu'embellit la lividité céleste. La longiligne fragilité de l'homme de lettres n'avait nulle raison de se terrer dans le moyen de locomotion les emportant vers le prélude d'une équipée, son intuition distinguant à son plus grand déplaisir revers et esclandres sans médiocrité dès que le sol de ces territoires bercés de on-dit à en glacer les sangs serait doublement foulé au pied par leurs piètres effectifs. Ce jugement n'est que quantitatif ; les folies offertes par l'exceptionnelle maîtrise travaillée par chacun de son armement individuel n'avait supposément pas d'égal. Cependant, dévaler un sentier d'épine ne réussit pas au plus fier des barbares et rien n'assurait la sécurité de celui sur lequel leur marche synchrone résonnerait jusqu'à s'emparer des malandrins aux folies destructives perçus par les mots des tiers croisés à l'aurore. Le carrosse réservé à leur voyage en direction de déboires rénovés flottait en suspension, la force de l'artefact maintenant sa carlingue usée par les âges à l'encontre des lois gravitationnelles.

Le temps s'était incrusté dans le moindre boulon de sa structure, mais sa vaillance n'avait d'égal que la bonhommie de son présumé pilote. Un homme plus que mûr, aux portes du blet, dont le faciès émacié au fil des époques disparaissait derrière l'épaisseur d'une barbe immaculée au poil richement entretenu. Une moustache semblable complétait sa dissimulation, en complicité avec les lunettes appropriées chaussées sur le nez de l'étrange personnage, elles-même fixées à un casque d'usage semblable. Le tout monté sur un corps malingre et voûté donnant l'impression d'une erreur de proportion, en raison du gonflement crânien trompeur du à sa pilosité maxillaire. En bref, une physionomie assez curieuse sans réellement taper dans l'excentrique. Au moins ne serait-il pas dépareillé aux côtés de ses passagers, tout aussi étranges pour l'occasion. La pipe extraite de ses lèvres gercées par une attente dans le froid, pour laquelle il ne semblait pas leur tenir rancune, il esquissa une carrure de révérence en leur désignant son véhicule ourlé de rouilles. Plus qu'à embarquer, vers de nouvelles aventures. Pour le meilleur et pour le pire, dira-t-on...