La fourrière, c'est par où ? [Veith]

Si cette éternelle saison dépouillée de clémence maintenait son joug chaque jour passant, certains oiseaux persistaient à défier cette nature dissuassive en restant lotis dans leurs installations, en dépit de l'excessive froideur loin de profiter à leurs plumages colorés. Du coup, piaillements et identiques jeux vocaux se mêlaient dans un volume assourdissant, les sons venant de toutes parts et assaillant les voyageurs nantis de l'idée logique de suivre le sentier battu tracé entre les amas fondants. La bravoure de ces animaux dépassait déjà quantitativement la plupart des autochtones, rapidement démoralisés par un gain d'une poignée de centimètres de masse neigeuse. L'actuelle génération n'était décidément pas aussi courageuse qu'avaient pu l'être les anciennes, au grand dam des parents – vivants ou morts, ces derniers devant se retourner dans leur tombe en témoignage de leur honte. Ces bruits naturels concoctaient une ambiance joviale ne rendant que plus agréable une visite à mère Nature et ses enfants éparpillés ça et là dans cette immensité assombrie par la hauteur des branches entrecroisées. Quelle que soit l'ancienneté de la zone sylvestre, la compter en siècles, si ce n'est en millénaire, était forcément le plus adapté pour percer à jour son intégrale vieillesse. Les piles de livres emmagasinées s'étant finalement épuisées au bout de longs et silencieux jours d'enfermement à ne quitter sa chambre que pour se sustenter et assouvir d'autres besoins des plus banaux, Arsiesys avait pris le parti de s'offrir une marche sereine entre les arbres massifs de la forêt. Prendre un bon bol d'air oxygénerait sa conscience plus tendue qu'un fil à couper le beurre ne pourrait que retaper son organisme, après ce délai à jouer les rats de bibliothèque. L'estimation était pertinente, et la froideur engouffrée dans ses voies respiratoires restaurait pleinement son bien-être; il respira à pleins poumons. Tout ce qu'avait laissé son passage fut une succession de dessins de taille semblable à sa pointure de chaussure, répartis à égale distance depuis son point de départ. Soit au point d'embarquement de la navette coupable de son transport depuis le royaume valkor.

Tout aurait été pour le mieux si l'éloignement complet de leur demeure n'avait pas été de mise, et encore moins du à la traque d'une créature retranscrite dans la mythologie locale. On ne peut pas tout avoir, et le prix à payer pour ce paysage tant joli qu'énigmatique était cet engagement à participer à la battue. Les devoirs que Veith se mettait en tête avaient tout pour être originaux, mais n'en restaient pas moins extrêmement délicats à gérer en cas de réussite de la première phase. Les chances étaient minimes, mais lorsqu'on est en compagnie de l'historien, définitivement réputé comme aimant à monstres auprès de ses compagnons de guilde, tout portait à croire que le pourcentage allait croissant à mesure qu'ils s'enfonçaient dans les profondeurs de la végétation insulaire, au demeurant très semblable à celle jouxtant leur logis, exception faite de l'aura de mystère planant sur les lieux. Plus sauvage. Séparés de prime abord afin de repérer les lieux chacun de son côté avant de pouvoir se lancer sérieusement dans les investigations, ce n'est que trop tard que l'héritier se rendit compte que procéder chacun pour soi était également bien moins sûr dans un environnement méconnu. Une distraction dont le prix pourrait être vital dans le pire des cas. Sans boussole ni carte, désappointé par sa venue dans un endroit jamais encore foulé au pied ni entraperçu de l'œil jadis, il avançait donc en soutenant sa prudence tant que faire se peut. Les créatures tapies dans l'ombre pouvaient ne rien avoir en commun avec celles du royaume, et rien ne serait plus déplaisant que d'être pris d'assaut par une communauté primitive aux mœurs insolites porteurs de griefs envers les humains. Rien n'empêcherait de succomber sous le nombre, si cette perspective réaliste était prise en compte. Chaque buisson, chaque renfoncement du sol avait l'air de pouvoir servir de tanière à une tierce forme de vie et rien ne pourrait plus l'incommoder que la sensation d'être guetté et suivi. Plus qu'à prendre les mesures qui s'imposent... Sous le beige de sa bure, l'imperceptible onde de choc résultant de la libération de son arc heurta l'épaisse couche de tissu. L'archer de mana interrogea placidement à la ronde :

Un cri de volatile strident brisa toute la douce harmonie du chant des variétés logées dans le coin. Alors que le mage itinérant, faussement rassuré sur sa solitude dès qu'un silence pesant eut succédé à son appel, s'essayait à frôler les oisillons habitant le nid sauvé de justesse à l'instant. Les parents détalèrent sans demander leur reste, plantant là le héros à qui ils devaient la survie de leurs enfants, ceux-ci dans les bras de l'intéressé. Une position des moins courantes pour le combat, et pour cause; cumuler mise au tapis de l'adversaire et entretien des œufs en parallèle ne s'était jamais révélé être la tasse de thé de qui que ce soit. Déjà, la furie aisément reconnue à son cri de guerre vrillant les tympans s'était annoncée et fondait sur lui, menace tombée du ciel. Ne même pas prêter attention à toute possible discussion n'aurait rien de surprenant venant de sa part, mais foncer droit sur le jeune homme aux mains encombrées sans préavis et par son angle mort accentuait l'extravagance de cette comédie. Peu prompt à finir éparpillé par les griffes proéminentes de la vermine ailée, l'héritier se décala d'un bond vers l'arrière, évitant à grande peine la lapidation. Hors de danger jusqu'à ce qu'elle réussisse à revenir pile sur lui, il rangea ses principes au fond d'un tiroir et banda son arc, prêt à libérer une nuée de barrage. D'un mouvement du poignet à la pesée millimétrée, sa récolte involontaire décolla de quelques dizaines de centimètres sans basculer le moins du monde.

À croire qu'on avait placé une soucoupe invisible sous ce logement douillet afin de ne rien rompre de sa stabilité idéale pour ses pensionnaires encore enfouis sous les coquilles. Alors que la harpie reprenait de plus belle sa ruade, deux flèches logées à la perfection perforèrent ses ailes. L'altitude atteinte dans l'évident choix de l'agresser en piqué redescendit instantanément, les mètres passant par dizaine. Alors qu'une dizaine de centimètres à peine séparaient son faciès enragé de la surface terrestre, deux nouveaux envois percèrent ses épaules, l'épinglant dans un bruit retentissant à l'arbre le plus proche alors que le contenu des décharges magiques faisaient convulser son corps, pour un bon moment encore. C'était une mince vengeance, dans le fond, et y donner droit n'était que justice. Une bonne leçon pour qui s'en prend aux pauvres promeneurs... Même si, preuve à l'appui dans le présent cas, ils n'étaient pas toujours si sans défense que ça. Refermant sa cape avec panache, content de lui, il rattrapa précautionneusement le nid resté jusque là en ersatz de lévitation. À peine relogée en sa paume, quelques bruissements provinrent de la progéniture déposée en son creux, annonçant que la naissance attendue des petits était enfin d'actualité. À pas de loup, l'historien alla remettre à sa place ce gite afin que puisse s'épanouir pleinement le cocon familial, et s'éclipsa ensuite, son orientation stipulant clairement qu'il rebroussait chemin. Les cris encore étranglés des nouveaux-nés emplirent ce substitut de clairière. La bonne action du jour, c'était fait...

Se séparer avait probablement été la pire idée qu'avaient eue les deux hommes du Divum Legi. La dernière visite de Veith en ces terres n'avait pas été des plus drôles; venu au départ afin de chasser le Molok, il n'avait pu au final dégoter qu'un gros matou roussi, ainsi qu'un trappeur stupide qu'il avait fait courir partout après y avoir mis le feu. Rien de bien consistant en somme. Cette fois, il voulait du lourd, une créature dont la force parviendrait à lui donner du fil à retordre, voire à le vaincre totalement. En cela, l'imposant canidé ne pouvait être qu'une cible de choix, étant donné que son statut de légende laissait présager un pouvoir à la mesure de la crainte qu'il imposait à certains Valkors.

En tout cas, le Zéphyr n'avait strictement rien rencontré lors de son escapade. Même les espèces animales les plus communes semblaient s'esquiver à son approche, et il commençait à s'ennuyer ferme en l'absence d'action, ou même d'un compagnon avec lequel échanger quelques banalités censées détourner son attention du froid mordant qui le faisait souffrir. A chaque pas, ses pieds étaient comme happés par l'épaisse croûte blanche tapissant le sol, si bien que l'étanchéité de ses bottes lui paraissait être le nec plus ultra du confort en pleine expédition. Bref, on ne pouvait nullement contester la nécessité d'une témérité et d'une volonté certaines afin de progresser correctement, de la manière précise qu'il s'efforçait d'appliquer.

Alors qu'il continuait de marcher, contemplant sans le voir un paysage morne, monochrome et répétitif, il entrevit un éclair bleu dont les reflets teintèrent un bref instant la neige fraîche. Intrigué, et presque certain de savoir ce qui l'avait provoqué, Veith s'approcha prudemment de sa source. Ce faisant, il tomba sur les empreintes des semelles d'Arsiesys, encore imprimées au sol. Avait-il pu tomber sur une créature trop forte pour lui? Inquiet, mais peut-être également galvanisé par la perspective de tomber enfin sur un Molok, il se surprit à continuer au pas de course, jusqu'à l'avoir rejoint. Cependant, pas de chance; l'ennemi était faible, et l'archer de mana l'avait déjà achevé sans le moindre effort. Enfin, maintenant, les deux hommes étaient réunis, ce qui n'était pas plus mal. Veith poussa un soupir, avant de lâcher une réplique de circonstance, autant pour lui-même que pour son camarade.

La percée herbeuse dans la densité de la forêt ne menait à rien; revenir sur ses pas était le seul choix envisageable, à moins de vouloir s'enfoncer dans l'étroitesse entre les plantations, à la merci de toute satanée bestiole prise de la lubie de lui sauter dessus. Et ce, que ce soit uniquement pour le déranger, pour l'assaillir ou encore en faire un en-cas à la pilosité fantaisiste. Un chemin peu recommandable, pour résumer les choses telles qu'elles sont, et après cette mésaventure abrégée par une défense plus que franche, aller rejoindre son camarade lui apparaissait largement plus rentable que de continuer seul. Qui plus est, le molosse après lequel ils couraient était fort probablement bien trop fort pour un seul homme, sans quoi sa renommée ne serait point jonchée de tant d'histoires lugubres. On ne le nommait pas légende pour rien, et être à l'affut d'une apparition miraculeuse de cette espèce redoutable et redoutée ne serait pas de trop afin de ne pas se substituer à son os à mâchouiller. Plus que son avancée lestée par la neige, c'était de voir les pans de son vêtement retenus à chaque mètre supplémentaire qui tendait à maximiser son ennui. La chasse n'était guère florissante, et retrouver son compagnon curieusement pressé de venir à sa rencontre fit comprendre à l'écrivain qu'il n'était pas le seul à revenir bredouille. Sans prendre de pause dans le massage de son épaule gauche endolorie par la rencontre brutale d'une écorce mal placée dans sa valse avec la cervelle de moineau venue perturber ses fouilles, Arsiesys renchérit.

Remis d'aplomb par une utilisation avisée des points de pression les mieux placés pour soulager la persistance de sa lancinante douleur, il haussa les épaules à plusieurs reprises pour s'assurer de sa mobilité. Les piaulements des oisillons à peine nés accompagnaient ceux de leurs parents, qui avaient repris leur chant de plus belle en annonce de la bonne nouvelle. À chacun son langage, et le code de celui des volatiles était on ne peut plus complexe. Néanmoins, alors que le jeune homme tournait la tête en tous sens pour scruter les environs sous toutes leurs coutures, l'ombre d'un sourire passa sur ses traits lorsque le nid protégé fut en visuel. Cette chasse n'avait certes rien de distrayant si on s'en tenait à son principe, mais au moins aurait-il rendu un fier service à cette charmante famille emplumée. À mi-chemin de son analyse, il reprit sur le ton de l'humour :

Veith n'eut pas le loisir de répondre à son ami, car un hurlement sonore couvrit le début de sa phrase, qui mourut instantanément dans sa gorge. Avec une appréhension mêlée d'excitation, il chercha des yeux la source de ce bruit inopiné, et la trouva rapidement en la matérialisation d'un gros canidé à l'air antipathique. Bon, certes, il avait voulu un gros chien, mais ce n'était pas tout à fait celui auquel il s'attendait. En prime, une créature similaire à celle qu'Arsiesys avait abattue quelques minutes auparavant l'accompagnait, non moins menaçante. Peut-être entretenait-elle d'étroits liens avec elle et, désireuse de se venger, avait-elle souhaité amener avec elle une créature sauvage capable de l'aider à punir l'archer de mana...

Pas question de laisser Arsiesys aux mains de ce duo infernal. Se félicitant mentalement de n'avoir pas tardé à sortir son fusil, il en leva le canon vers les cieux; s'approchant à portée suffisante, d'un battement d'ailes, il tira ce qui s'apparentait à un coup de semonce. Le rapace de flammes s'éleva parfaitement à la verticale, puis décrivit un large arc-de-cercle, guidé par son créateur. Le mouvement s'acheva en un sublime piqué droit vers la Walkyrie qui, malheureusement, eut le temps de s'écarter après avoir sauté du dos de sa monture aux crocs luisants, laissant le brasier s'écraser au sol dans une gerbe d'étincelles. Emettant un sifflement agacé entre ses dents, le Zéphyr tourna cette fois son fusil vers le Fenryl, sans beaucoup plus d'effet que précédemment, ce nouveau tir ne parvenant qu'à effleurer la neige tout en la liquéfiant sur son passage. Fort heureusement, Arsiesys, dont la réussite n'avait pas été plus grande jusqu'à présent, parvint à toucher la bête à cet instant, la blessant suffisamment pour l'handicaper grâce à l'aide de l'une de ses étonnantes arias.

Plus question de chômer, maintenant que l'un des adversaires était à leur merci. Posant un genou en terre, le Zéphyr se concentra, oubliant totalement jusqu'à l'existence de la Walkyrie. Puis, une fois le canidé en joue, il tira une nouvelle salve, qui rata sa cible de très peu. Constatant l'avancée de l'ennemi, il s'arracha littéralement de la neige afin de reculer, puis recommença son manège. Cette fois-ci, il lui expédia une ardente rafale en pleine face, lui brûlant les yeux et rendant étouffant l'air qui s'infiltrait dans son gosier. Le pauvre loup tenta de mordre l'air face à lui afin de lutter contre cet ennemi invisible, ce dont profita le Zéphyr pour placer un dernier rapace de flammes qui lui arracha un couinement de douleur. Le Fenryl tomba finalement à terre, parfaitement inanimé. Le familier étant éliminé, il fallait désormais se charger de sa maîtresse...

Le sol se mit à trembler sous les pieds des deux individus en vadrouille, signe annonciateur d'une nouvelle rencontre – potentiellement celle recherchée. Rien ne pouvait faire jurer qu'ils étaient enfin sur la bonne piste, mais c'est les doigts croisés que l'historien attendit de savoir de quoi il retournait, figé sur sa position, impassible malgré la forte vibration terrestre. Ce qui ne l'empêchait pas de déjà serrer le poing sous la cape, concentrant pour la seconde fois de la journée ses inépuisables forces magiques pour faire renaître l'équipement lui étant le plus adapté. Des bois émergèrent une exacte photocopie de la demoiselle en période rouge précédemment décimée, hissée sur le dos d'un gigantesque canin. Pas celui demandé, hélas, même si celui-ci n'était pas moins à craindre pour autant. Pour avoir déjà eu à en descendre un lors de ses dernières frasques en compagnie de Stilgard, l'archer savait pertinemment que ce grand modèle avait la peau dure. Bien que vraisemblablement domestiqué par sa cavalière, la férocité restait exhibée par le museau de la bête, ou plus exactement par ses crocs à découvert luisant d'une bave explicite de ses projets d'avenir pour les deux intrus.

Quand à la demoiselle, à en voir son air vengeur, il était très facile d'élaborer le stéréotype de la revanche prise pour sa défunte sœur. En plus d'apporter son lot d'ennuis, ce comité illustrait à la perfection l'un des pires clichés scénaristiques qui soit. Une fois pour toute, venir ici était une fort piètre idée. Se congratulant mentalement d'avoir anticipé de façon correcte ce débarquement prévisible, Arsiesys laissa échapper une déflagration de mana destinée à alimenter sa pluie de flèches, en renfort de ce tir de barrage. Seulement, cette assistance était à double-tranchant dans ce cas de figure puisque la neige sous ses pieds fondit d'un coup sur un large cercle autour de sa position, gorgeant d'eau une terre n'ayant plus vu la lumière du jour depuis une éternité. Fatalement, ses pieds s'enfoncèrent dans l'amas boueux, destabilisant en grande partie sa rafale continue. Les points névralgiques visés furent manqués pour la plupart et la créature n'eut aucun mal à ne pas souffrir de ces dons maladroits, réduits à l'état d'étincelles bleues sans conséquence. Seuls deux traits réussirent à faire regretter à l'animal de servir de monture à une rancunière, placés sur le museau pour l'un et droit dans l'œil pour l'autre. Toujours ça de pris... Embourbé jusqu'aux chevilles, le membre du Divum Legi entreprit de se remettre en selle en sortant les pieds de cette pataugeoire sur le vif, avant d'être à nouveau sujet aux attaques de la demoiselle ailée venue régler ses comptes. Folklorique, pour un safari...

Sans soeur, et désormais sans familier, la Walkyrie qui faisait face au duo avait de quoi enrager. Manque de chance pour elle, la légitime défense passait avant toute chose, y compris le respect du deuil d'autrui. Et puis, quelque part, l'envoyer les rejoindre serait une bonne action, non?

Avec une vitesse impressionnante, et sans même attendre les premiers mouvements de son ennemie, Veith lui expédia un tir parfaitement ciblé qu'elle ne put aucunement éviter. Les rares endroits auxquels aucune pièce d'armure ne couvrait le tissu de ses vêtements prirent lentement feu chose dont elle sembla pourtant ne se soucier le moins du monde. Ce fut pourtant, alors qu'elle préparait son avancée, cette même cuirasse qui para involontairement un nouveau trait magique d'Arsiesys, le faisant ricocher comme s'il ne s'agissait que d'une vulgaire graine envoyée par le lance-pierres d'un gamin trop audacieux. Probablement laissé insatisfait par cet échec, il réitéra sa tentative lorsque la jeune femme se propulsa en avant grâce à ses larges ailes, cette fois avec bien plus de succès. Furieuse, la Walkyrie tenta de frapper en sa direction, ne parvenant pourtant qu'à fendre l'air de ses mains; quant à Veith, laissé à l'écart par son opposante, il tenta de tirer à nouveau en sa direction. Seulement, compte tenu de la distance désormais réduite qui les séparait, son rapace de flammes ne fit que percuter son armure, la faisant légèrement chauffer sans réel effet négatif pour sa détentrice.

Celle-ci décida alors de se tourner vers lui et, instinctivement, le Zéphyr sut qu'il allait falloir réitérer la vieille stratégie à l'efficacité avérée. Avançant d'un bon mètre, jusqu'à se trouver face à elle, il laissa Arsiesys en retrait. Le voyant si proche, la Walkyrie leva la main, bien décidée à l'abattre sur lui. Cependant, ce fut la cravache de Veith qui se mit en travers de sa trajectoire, stoppant sèchement le mouvement; et, profitant de cette immobilité soudaine, l'allié du rouquin plaça un tir magistral qui eut tôt fait de la mettre à terre, juste entre son animal de compagnie et sa soeur. Soulagé de s'en être enfin débarrassé, le Zéphyr rangea son arme dans l'étui duquel elle provenait, puis replaça au bout de son fusil le cache qui en protégeait le mécanisme...

Du travail vite fait bien fait faisait toujours plaisir à voir. Le binôme avait de quoi se congratuler devant une preuve supplémentaire de l'efficacité de leur alliance. L'idéal de former cette guilde aurait-il pu paraître si concret sans que leur entente ne donne droit à la réalisation de telles réussites ? Ces résultats laissaient présager un grand avenir à l'association hétéroclite conçue à l'aide de leurs intellects conjugués. Son nom n'était ni plus ni moins qu'un indice quand à la destination de leur renommée à venir; les cieux seraient un bon début, après tout. Actuellement, le goût du jour était plus porté sur les enfers que le paradis, cela dit. En tout cas, pour la paire de mégères suspendues aux arbres à force de méchanceté chronique envers les aimables passants. Ce n'était que justice. Qui plus est, avoir causé leur mort de la sorte était écologique, et contribuait au recyclage en plus de la chaîne alimentaire. Les animaux occupant la forêt environnante n'auraient qu'à se baisser pour avoir de quoi se nourrir à long terme, si d'autres ne les avaient pas précédé dans le dépouillage des cadavres de toute la chair donnant cet odieux simulacre d'humanité à ces incarnations bestiales qui n'en ont que l'aspect.

C'est à peine si Arsiesys devait s'enquérir brièvement de la position de ses cibles mouvantes lorsque leur équipe de choc était une fois de plus sur le devant de la scène, tant la certitude était présente qu'où qu'il tire, ce à quoi le trait doit arriver sera sur l'exacte trajectoire de son envoi. Pas besoin de mots, de signaux gestuels ou d'astuces dont seuls les trappeurs et experts de la chasse ont le secret pour venir à bout du gibier repéré; tout était dans la maîtrise, ainsi que l'expérience d'équipe. Et les associations à même de défaire la leur, ou n'importe quelle autre se composant de deux éléments du Divum Legi, se comptaient sur les doigts d'une main. Nombre s'y casseraient les dents sans même entrapercevoir une lueur d'espoir de victoire quand les stratagèmes travaillés par la pratique se mettraient en mouvement et les enlaceraient de leurs griffes acérées. Si leur confrérie obtenait la notoriété pressentie, les prétendants à cette suprématie pour laquelle ils excellaient avec brio se présenteraient par cohortes entières. Évaluer jusqu'où allait ce partage de rythmique avait un vif intérêt pour l'historien, qui ne demandait qu'à en savoir plus à ce propos. Chaque chose en son temps, et se remettre en selle pour sortir de son trou l'objet de leurs convoitises était prioritaire. Combien d'heures Veith tiendrait-il encore avant de jeter l'éponge et de repartir en arrière, amadoué par le confort et la chaleur l'attendant au creux du chalet où ils logeaient ? Plus que de savoir où portait la concordance, c'était là la question du moment...