[Quête] Mouvements

Cela fit chaud au cœur à l'archer de voir que leur communauté était définitivement soudée au-delà de l'imaginable, et que ses compagnons le suivraient dans ce périple vengeur insensé pour obtenir quelques éclaircissements, en plus de lutter de leur côté contre le règne du sombre monarque qu'était Duncan. Sans laisser trainer l'affaire, ni laisser retomber cet élan de motivation collectif, ils avaient embarqué d'un même pas sur le pont de l'Odyssée pour mettre les voiles à plein régime. Posant ses maigres bagages à ses côtés aussitôt accoudé au rebord du prestigieux navire, l'historien se laissa griser par la sensation de bien-être qui allait avec chaque voyage, au commencement d'un itinéraire vers différents lieux qui pourraient bien venir enrichir le contenu du tome volumineux ne le quittant en aucune circonstance. Il caressa négligemment la couverture de celui-ci pour se purger des pensées néfastes refoulées à l'arrière-plan par ce départ précipité, revenant à son éternel optimisme, allant même jusqu'à esquisser l'ombre d'un sourire à cette franche camaraderie sollicitée par la situation. Laissant son esprit être porté par le vent glacial de l'archipel à mesure que les flots nuageux étaient fendus avec panache par la haute envergure de cette embarcation à la mesure de leur renommée, il se dit que le Divum Legi avait fait un bon bout de chemin depuis sa création, à l'ombre d'une terrasse et autour d'un verre, ce dans les confins de son désert natal.

Repoussant sa chevelure poussée sur ses traits par ce souffle revigorant, sentant ses extrémités refroidir sous l'égide de cette chute thermique vertigineuse par rapport à la tiédeur intérieure de leur refuge commun, il se mit à scruter les nimbus jonchant leur trajet, pensif. Que réservait cette croisade ? À quoi rimait le chaos qui semblait s'incruster dans cette ère, noircir les rouages de sa gigantesque machinerie pour donner lieu à quelques maléfiques tournures, telles que la prise de l'empire et le supplice que connaissaient désormais ses habitants au quotidien. Ils étaient les détenus de la plus grande prison du monde, des oiseaux à qui on avait coupé les ailes retenus dans une cage d'or tenue et agitée par un maître malveillant... L'allégorie était on ne peut mieux placée, étant donné l'implication des Zéphyrs dans cette sinistre tragédie. Il se détourna de ses songes nébuleux pour entendre venir le pas d'Alan Nyfed, qu'il avait personnellement invité à les rejoindre dans la grandeur de leur ordre. Une recrue prometteuse ; même s'il l'avait vaincu par le passé, ses aptitudes au combat n'étaient pas négligeables et il pouvait sans conteste compter sur ses progrès constant. Jeune pousse deviendra grande... Laissant le soin à Casey de répliquer à ses interrogations, et ainsi combler les vides, il interpella alors l'Argonate une fois ceci fait pour qu'il le suive dans la cale, tout en allant y entreposer son paquetage. Y étant rendu, il se plaqua contre la paroi et croisa les bras pour toiser son ami, muant sa mine chaleureuse pour un air plus neutre, tendant vers le grave.

Bon, bah ce qu'il y avait de positif, c'est que tout le monde s'entendait pour casser du méchant. Bien, dérouiller de l'enflure me manquait un peu, et puis quitter un peu ce caillou gelé pour la chaleur du désert ne me ferait que le plus grand bien. Il me suffisait juste de ne pas oublier de m'hydrater, histoire d'éviter à ma peau des désagréments de sècheresse dus au contraste entre les deux milieux hostiles...enfin, ça, ça reste du domaine de mes petits soins personnel, alors je sais bien que certains s'en foutent, mais d'un autre côté, si un jour l'historien à tête de cactus bleu se plait à vouloir écrire un truc sur mon illustre vie, c'est des détails de ce genre qui feraient le piquant de la chose, la véracité du récit. Bon, j'arrête, je m'égare. Nous nous engageâmes donc pour l'Odyssée, qui appareilla rapidement, les types aux commandes étant habitués aux départs précipités dans ce genre. Et progressivement, le navire pris de la distance avec l'île principale, s'enfonçant un peu plus dans ce bordel de brume qui rendait le coin si typique. Génial, je sentais déjà retomber cette chape de béton qui ne m'avait pas quitté depuis notre arrivée sur les terres des ancêtres. Oui, j'avais encore des problèmes avec ça, mais j'y travaillais hein, je relativisais à fond pour passer outre...

Une fois que chacun arriva à bord, le petit nouveau pris la parole, se présentant et demandant par la même occasion ce que nous allions faire. Ben le programme était simple, on allait chez les Karnaks, on cassait des mâchoires, je chourais deux trois trucs pour l'effort de guerre, et on rentrait se faire une tasse de lait de chèvre chaud au chocolat, en attendant de repartir pour autre chose! Mais bon, je laissais le soin à Casey de lui expliquer ça de façon plus solennelle, avant de pouvoir jeter mon grappin sur le nouveau, une fois que celui-ci s'en fut allé, redescendant avec Arsiesys dans la cale. Non, je ne me poserai pas de questions...bref, je questionnais un peu cet élément fraichement arrivé dans notre cercle de bienfaiteurs.

Bah oui quoi...on savait jamais, si le type possédait des talents aussi utiles que les miens, le flot de capitaux entrants n'en serait que plus conséquent, même si j'avais foutrement du mal à partager ce genre d'activité. Mais bon, j'avais adhéré à un concept pour mon ami de toujours, donc je devais bien faire quelques concessions...

Bien que l'Odyssée ait décollé depuis plusieurs minutes, j'étais toujours égaré dans mes pensées. Ces derniers temps, nombreux ont été les évènements désastreux autour de moi: la prise de pouvoir de Duncan Knox, le déshonneur de mon peuple, la chasse aux Zéphyrs, la guerre entre Solaris et Arkady, les problèmes que rencontraient Père suite à son rôle de Sénateur, la mort de Veith... Tout ceci s'accumulait dans ma tête et je commençai à avoir des doutes. Mon aventure tournait au cauchemar, la raison pour laquelle je me trouvai à naviguer sur l'Océan Céleste n'avait plus de sens... Car oui, après tout, si je suis là aujourd'hui, ce n'est uniquement parce que j'avais été chargé d'une mission par diverses politiciens Argonates: trouver une nouvelle terre qui serait, dans sa totalité, le bien du peuple Argonate. J'aurai refusé une telle demande en temps normal mais je l'ai accepté car Père commençait à avoir des doutes, il commençait à sentir une possible rébellion de la part des nôtres, J'ai fait confiance à Père et je dois dire que le fait qu'il avait raison depuis le début ne fait que me déplaire. A présent, que faire ? L'Empire Solaris n'est plus qu'un Empire que de nom et continuer une telle tâche signifierait que je suis un émissaire de Knox. Et ça, il en est hors de question. Duncan Knox était tout ce que je trouvais de plus méprisable.

Assis sur le pont, je ne faisais pas réellement attention à ce qu'il se passait. Certes, les deux Valkor expérimentés me parlaient et je leur répondais par des simples « Oui » ou « Non ». Mes pensées ne cessaient de se tourner vers ma terre natale et sur mon objectif. Heureusement qu'il me restait encore le Divum Legi sans quoi, je pense que je me serai jeté par-dessus bord. Trouver un nouveau sens à sa vie, disais-je ? Plus facile à dire qu'à réaliser. Si je ne savais pas quoi faire de ma vie, je n'arrivai à rien. Cela avait toujours été comme ça. Quand j'étais plus jeune, le fait de vouloir devenir un Aventurier fut tellement grand que je m'étais forcé à travailler comme un malade à l'école. Résultat, je faisais toujours parti des meilleurs. Mais traiter de mon passé n'est pas le sujet. Alors que j'essayai de trouver une nouvelle motivation, une voix se fit entendre. Cette voix, je ne la connaissais pas donc elle m'intrigua quelque peu. Tournant ma tête, je vis que c'était le petit nouveau, lui aussi un Valkor, qui venait de s'adresser à nous. Un petit sourire naquit sur mon visage tandis que dans le même temps, ma main droite saisie mon paquet de cigarette. Me relevant et allumant un de ses bâtonnets aux effets aussi bien calmants que néfastes pour mon organisme pour le mettre dans ma bouche, je répondis à ce Alan Nyfed.

Enchanté, Alan. Je suis Casey Rowen, Clementia du Divum comme tu as pu le remarquer.

Certes, je lui mentais sur mon titre puisqu'après tout, je n'étais rien d'autre que le Caelestis, le Leader de la guilde. Mais le connaissant à peine, je préférais jouer la carte de la prudence pour l'heure. Le regardant droit dans les yeux, j'ai continué à lui parler.

Ta motivation quand à nous aider dans cette mission est déjà très utile, Alan. Quand à cette quête, autant être direct: pour l'heure, nous ne disposons que des informations contenues dans la demande du client et autant le dire, cette dernière n'en contient que très peu. Tout ce que l'on sait, c'est une petite information sur ses capacités ainsi qu'un lien entre Solaris et Arkady. Dernière chose, il aurait profité du chaos régnant lors de la guerre ayant eu lieu récemment entre ces deux terres pour en infliger plus. On a donc trois choix de recherches: la Baronnie, Solaris et les Terres Brûlées. Honnêtement, je préfère éviter Solaris: depuis ce qu'il s'est passé avec Deus Discors et surtout, de par la profession de mon Père, nous sommes considérés comme des ennemis de la « Nation ». Des conneries... Quand à la Baronnie, l'assassinat de Lokharis n'a pas été en notre faveur. Nous ne sommes, certes, pas considérés comme des criminels mais c'est presque ça. Autant éviter d'aller là-bas. Quand aux Terres Brûlées, de par mon appartenance au peuple Argonate, c'est un coin que je dois à tout prix éviter. Mais vous trois êtes des Valkors, ce qui est un grand avantage. On va donc partir là-bas dans un premier temps. On reverra ça le moment venu. Stilgard, je te laisse en compagnie de notre cher Alan. Je dois discuter avec Arsiesys, visiblement...

Je venais de voir mon compagnon Valkor m'appelait à le suivre, chose que je n'ai guère refusé. Le suivant, nous allâmes dans la cale, un endroit où nous serions sûr de ne pas être écoutés sans que quelqu'un ouvre la porte principale de cette dernière. Arsiesys se plaqua contre la paroi et, tout comme moi, il croisa les bras. Il s'exprima par la suite, me demandant ce que nous allions faire au sujet d'Aphelion. Le fait qu'il en parle me soulageait grandement: en effet, j'en avais besoin depuis un bon bout de temps d'en parler avec une personne en dehors de Matthew, mais je ne l'avais guère fait: je pensais que mes compagnons d'aventure n'en avait que faire de ça mais il semblerait bien que je me sois trompé. Tirant légèrement sur ma cigarette pour en extraire un peu de sa saveur, mes paupières se fermèrent tandis que ma voix s'éveilla à nouveau aux oreilles de mon ami.

Je te remercie mon ami. Sache que tu as toute ma confiance et que je sais qu'il en est de même pour toi. Aphelion va mal, très mal. Knox a assassiné une bonne partie des politiciens de Solaris et ce, publiquement. Il essaye de faire comprendre au peuple qu'ils se doivent de lui obéir et de ne rien faire contre sa personne. De plus, il se met à faire une sorte de chasse aux Zéphyrs. J'ai beau me retourner la tête mais je ne trouve aucune fin heureuse à cette histoire. Quand bien même nous réussirions à triompher de lui et à l'envoyer six pieds sous terre, le mal qu'il aura causé sera attribué au peuple Argonate. Mon peuple va connaître le mépris durant des siècles, tout cela à cause d'un sombre ahuri. J'y ai réfléchi durant plusieurs jours et je pense que j'ai enfin trouvé, à l'instant, ce que je compte faire. Si je veux mettre un terme au règne obscur de Knox, il va falloir que nous organisions un groupe de rébellion. Un groupe plus vaste que le Divum Legi. C'est pour cela que je compte retourner à Aphelion et y rencontrer Jack Harper. Par la suite, j'irai aux quatre coins de Syren et je rallierai à ma cause tout ceux qui le veulent, en particulier les Argonates. Si tout se passe bien, nous le vaincrons... Et il sera en mon devoir de devenir le nouveau Leader de mon peuple, afin de le sortir de cette...

Je ne pus finir ma phrase car l'Odyssée fit un mouvement brutal sur le côté. Je fus éjecté sur le côté avant d'atterrir lourdement sur le sol, le flanc droit me faisant souffrir un tantinet. Une seconde fois, un choc se fit sentir, me faisant à nouveau tomber au sol alors que je me relevai. Je me demandais alors ce que pouvait être la chose qui nous faisait cela. Un navire pirate ? Peut-être. Dégainant un petit bâton et appuyant sur un bouton pour le changer en trident, j'ai jeté un regard à Arsiesys pour lui faire comprendre que je comptai sortir de la cale pour découvrir la chose qui nous faisait subir cela. D'ailleurs, en y pensant... Stilgard et Alan étaient toujours sur le pont. S'ils sont encore présents dessus, je crois que nous avons un sérieux problème... Car si des personnes pouvaient être en danger à l'heure actuelle, ce sont clairement eux.

Oh le gentil bonhomme! Il était d'une part réaliste, chose appréciée, et en plus il sentait bon l'humilité. Ah! C'était la marque des plus grand. Bah oui, généralement, c'était pas les meilleurs qui ouvraient leur bouche à longueur de temps, à fanfaronner sur leurs capacités ou leurs qualités. Enfin, sauf moi bien sûr, mais ça c'est autre chose. Enfin bref. Bon, le type avait quand même une épée d'une bien belle facture, ce qui laissait présager que son discours n'avait pas tout à fait les accents de la vérité, concernant sa condition de pauvre petit garçon parcourant les chemins, sans grand potentiel, du fait de son origine modeste. Ben quoi? J'étais fils de fermier, moi aussi! Et voyez le résultat: la grande classe, le meilleur goût, le top du top...J'allais lui faire remarquer quand justement le gentil monsieur me demanda mes talents. Bah, on était entre nous, et puis cela ne faisait pas de mal trop grand. Fallait juste savoir quoi dire. Ah, foutue prudence qui nous obligeaient à rester discrets...

Bon, j'avais laissé quelques sous entendus sur mes activités principales, ne voulant pas non plus choquer tout de suite cet interlocuteur que je ne connaissais pas, en fait. J'aurais du travail de recherche à faire, ce qui m'amusait d'avance. Mais je ne pus de toute façon finir ma phrase, car je finissais le nez contre la porte en bois donnant sur les quartiers dortoirs du navire. Les chambres, la cuisine, tout ça...enfin, là je masque surtout la honte de m'être éclaté le pif contre une porte comme un grand. Quoique, Alan avait bien fini par terre, lui. Une main sur mon nez qui j'en étais sûr avait certainement viré au rouge le plus vif, j'acquiesçais sur son appel aux armes, avisant les deux faces de cochons qui abordaient le navire. Chouette, passés trop prêt du Walhalla et de ses festivités, nous avions été pris pour cible par ces neuneus d'esclavagistes porcins, qui s'étaient sûrement préparés à l'abordage en se fixant en haut d'un sapin. Ça m'aurait pas étonné. Je sortais ma Belle-de-Nuit, prêt à passer mes nerfs sur les fâcheux, et la main toujours sur mon nez écrasé.

Le flot de parole estourbit quelque peu Arsiesys, lui rappelant la langue bien pendue du représentant de Babel auquel il avait fait face récemment. Habitué à vivre en sédentaire, il n'avait guère l'habitude de parler ou d'écouter en de telles proportions, aussi est-ce tout naturellement qu'il peina à assimiler l'intégralité du laïus en dépit de son intelligence remarquable. Des années passées le nez dans les livres, ça ne peut qu'instruire... Que les nouvelles soient fâcheuses ne fut pas pour arranger la migraine naissante qu'un dialogue de cette envergure lui avait inspiré. La cime de ses doigts entreprenant de masser ses tempes pour l'en soulager avec qu'elle ne surgisse sournoisement, il s'humecta les lèvres du bout de la langue avant qu'elles ne gercent par la faute du froid ambiant. Quand bien même les gênes des autochtones étaient dominants dans ses hérédités sanguines, il n'y était pas pour autant immunisé et n'était nullement accoutumé à de si basses températures et à un environnement pareillement enneigé. Les mois passés en son sein l'y avaient adapté mais ne l'y imperméabilisaient pas, et il subissait les conséquences de cette subtile différence.

Faire refaire surface à ces histoires classées tant elles étaient désagréables n'était guère plaisant et les souvenirs liés étaient comme autant de ronces dans lesquelles il fallait se jeter sans protection pour se remémorer le triste jour sous lequel s'étaient effectués tant de changements. Tandis que le navire penchait de côté, il se rattrapa à des cordages passant non loin de sa tête pour ne point choir comme venait de le faire son ami, son bras tendu étant malheureusement trop court pour lui éviter de dévaler la cale dans un élan involontaire, propulsé par un choc ne présageant que moult malheurs supplémentaires – qui peut-être leur avaient été précisément dédié plus qu'ils n'étaient le fruit d'un nuisible hasard. Excluant tout sens de l'urgence en son sang-froid continuel, l'historien synthétisa son arme fétiche avant de reprendre appui sur un sol en total déséquilibre. Les intentions de son ami étaient claires mais avant de joindre le geste à la pensée, il était bon de terminer ce qui avait été commencé. Se calant dans un coin, il désigna la porte de la pointe de sa flèche, prêt à repousser tout envahisseur d'un projectile méticuleusement placé pour s'ouvrir la voie vers le pont. Leurs camarades étant compétents, il pouvait sans crainte discourir avant que Casey n'ouvre pour dévoiler ce qui les attendait à l'extérieur.

J'ignore si lors de cette fameuse prise de pouvoir, tu as pu voir le faisceau qui a marqué sa prise de pouvoir, au terme des mots et des querelles... Cette rafale dévastatrice qui a pris la vie de notre égal. Je ne suis pas d'un naturel pessimiste... Mais ces sordides images sont encore gravées dans ma mémoire, celles des corps partiellement détruits lors du tir mais que sa soudaineté avait épargné, et durent subir une interminable agonie avant de connaitre le soulagement. J'ignore qui est cet homme et l'origine de ses prodigieuses facultés... Mais sans lever une armée, nous ne serons pas de taille à lutter, nous ne pouvons nous voiler la face. Te sens-tu l'âme d'un général ? D'un conquérant ? Je ne peux que t'accorder tout mon soutien et ma compassion pour les maux qui t'accablent et tes ambitions, mais ne puis honnêtement garantir leur succès.

Ces propos, plus que défaitistes, étaient d'un réalisme sans bornes. L'archer de mana ne souhaitait pas dissuader son acolyte mais bien lui mettre les pieds sur terre pour avoir l'assurance qu'il parlait en connaissance de cause. Si tel était le cas, alors il serait en son devoir de le suivre comme son ombre et d'assurer ses arrières pour que nul poignard ne vienne percer son dos lors de cette longue et pénible ascension, ni même une fois sur le trône qu'il convoitait au nom d'une liberté devenue fantasmagorique avec cette maléfique révolution contre laquelle ils n'avaient pu lutter à l'époque. Une réforme versant dans le malheur et à l'origine de la perte de bien des vies, celle de Veith la première. S'en souvenir serait le premier pas pour qu'ils aillent au bout de ce projet qui pourrait changer la face d'une guerre absurde et d'une tyrannie invulnérable d'apparence. Mais la perfection n'était qu'un concept inexistant et sibyllin ne pouvant s'incarner en ce monde : une faille devait se situer sur l'une des briques d'un des remparts de cette redoutable forteresse qu'était le règne de Duncan Knox. Une dictature éphémère à laquelle ils allaient faire prendre fin, coûte que coûte, si l'Argonate décidait de persister dans la voie dont ils venaient de traiter.

Mais avant tout, un brin de ménage à faire semblait les attendre au tournant.

Les mots que venaient de tenir mon compagnon historien me stoppèrent dans mon élan d'ouvrir la porte la cale avec les « crocs » de Calypso. Je ne pus m'empêcher de tourner immédiatement ma tête vers lui, les yeux ébahis par les propos qu'il venait de m'adresser. Ce n'est pas le fait qu'il puisse douter de mes capacités qui me surprenait autant mais plutôt le fait qu'il me fasse rendre compte des capacités nécessaires et que je m'en estimais comme dépourvu... Après tout, quand j'y songeai bien, je n'étais encore qu'un jeune homme âgé de dix-neuf ans, naviguant depuis quelques mois à peine sur les nuages de l'Océan Céleste. J'avais certes conçu une Guilde et j'avais gagné en réputation. Mais tout ça, toutes mes actions, il est vrai que je ne les avais pas fait seul. Veith, notre ami décédé, m'avait longtemps assisté. Non, que dis-je, JE l'avais longtemps assisté. Il était une sorte de mentor pour moi, bien que je reniais cela. Cependant, j'avais choisi ma voie et je ne comptai en rien abandonner ce nouvel objectif qui me tenait tant à cœur. Je suis même prêt à en laisser ma propre existence. Le regard que j'ai pu avoir auparavant, celui affichant mon étonnement et ma crainte, évolua, montrant à présent ma détermination et mon courage.

J'ignore honnêtement si je dispose d'une telle âme mais si ce n'est pas le cas, je ferai tout ce qui est en mon pouvoir pour transfigurer cela. J'ignore également qui est ce quidam mais je ne peux me permettre de laisser la mort de notre compagnon impunie. Il en aurait fait de même si c'était toi ou moi qui aurions perdu la vie. A présent, allons aider nos camarades, Arsiesys.

Cela faisait un bon bout de temps que je ne m'étais pas senti aussi en forme malgré le fait qu'évoquer le nom de Veith me faisait encore ressentir un certain malaise. Mais ce n'était guère important, comme je venais de le souligner, nous devions venir en aide à nos camarades. Ouvrant la porte en lui adressant un coup de pied, cette dernière s'ouvrit brutalement, allant frapper la partie extérieure, à 180 degrés sur sa gauche. Je fus le premier à sortir de la cale et directement, mon regard alla à droite puis à gauche. C'est comme ça que je vis mes compagnons, qui étaient face à... Face à... Bon sang, mais qu'est-ce donc cette horreur ? J'en ai aucune idée mais c'est sans doute une créature commune sur la terre des Valkors. Comment le savais-je ? Peut-être parce qu'on survolait en ce moment même le Walhalla ? Alors que je m'apprêtais à leur porter secours, une ombre défila juste au-dessus de moi. Levant la tête, je vis que les « Porcs » avaient en guise d'alliée une Walkirye, une créature volante des cieux. Pas mal... Tentant de rejoindre mes compagnons, je me fais arrêter en cours de route par l'une des créatures hideuses que j'ai vu auparavant; cette dernière émet un cri ressemblant étrangement à celui des cochons que l'on retrouve dans les fermes Argonates dans les prairies de Solaris et, instinctivement, je ne pus m'empêcher de me moquer de lui.

J'avais une envie de côte de porc et sur quoi je tombe ? Trois cochons. Soit le Destin a décidé de me récompenser, soit le loup a bien détruit vos maisons pour que vous veniez trouvez refuge ici. Manque de pot, que ce soit l'un ou l'autre, vous allez finir dévoré. C'est triste la vie, non ?

Pas facile de se battre quand on a le nez qui pisse le sang. Sans faire de fariboles, j'avais vraiment l'impression de me vider de tout mon fluide vital par ces petits trous. Alors, en plus, combattre deux gros pourceaux qui jouaient du fléau d'un air menaçant, j'allais loin dans le handicap, là...c'est pourquoi je prenais le temps de la réflexion - surtout en fait pour sortir un mouchoir, et le foutre sur mes naseaux. Fallait pas que ça me gêne au moment de tailler dans le jambon. Avançant une fois ceci fait, j'allais prudemment à la rencontre des cochonoïde, évitant de me retrouver dans leur périmètre d'attaque. Je voulais pas finir en purée prématurément. Une chance que ces deux tanches avaient l'air un peu débile sur les bords, je pensais trouver une ouverture facile - sans mauvais jeu de mot. Et puis, à côté de moi, le moine usait de sa magie, essaant diverses tours pour tester nos ennemis, sans grand succès, au départ. Mais bon, rester positif, ne pas se départir de sa combativité.

Une ouverture! Je m'élançais, tandis que les porcs faisaient tourner leur masse. Grand mal m'en pris, je finissais pile sur la route des deux fléaux, me prenant ainsi dans un sandwich qui ne fut pas pour me plaire. Dans un crac retentissant, certaines de mes côtes cédèrent. Le souffle coupé, je tombais les deux genoux en terre. Heureusement que l'instinct de survie m'animait, me faisant faire une roulade pour éviter le coup fatal, sinon j'aurais été incrusté dans le bois du pont. Et puis, je me retrouvais tout de même au corps à corps face à ces deux saletés, c'était plutôt engageant. Ce que fit remarquer mon estimé collègue. Je répondais à sa tirade moqueuse d'un grognement, essayant de passer le voile de ma douleur. J'aurai le temps de pleurnicher ensuite, mais pour l'heure je devais penser à ma survie. J'essayais en vain de taillader dans la première viande qui se trouvait face à moi, mais la bestiole esquiva dans un premier temps, pour ensuite repousser l'assaut d'un de ses bracelets de fer, qui cerclaient ses bras puissants. La panade.

Tous mes compagnons avaient choisi leurs adversaires et ce, avec une grande rapidité. Arsisys s'occupait de la créature volante tandis que Alan et Stilgard s'occupaient de deux de ses porcs et pour finir, je devais abattre la créature aux allures de cochon qui bloquait le passage entre les deux Valkors cités plus tôt de l'historien de moi. A voir l'apparence grotesque de l'adversaire, je pensai que j'en avais pour peu de temps avant de m'en défaire. « Les apparences sont parfois trompeuses », c'est ce que me disait souvent Père et que j'ai tendance à oublier à un rythme trop régulier. Fonçant sur mon adversaire, je n'attendis pas un seul instant pour engager le combat. D'un puissant coup qui aurait été capable de briser en deux quiconque n'était bien équipé défensivement, j'ai envoyé les crocs de Calypso pourfendre la chair de mon ennemi. En vain, puisque son heaume résista à la frappe, à mon grand étonnement. Une seconde fois j'ai porté une attaque, en vain. Je déteste les débuts de combats comme ça, ça finit toujours mal pour ma personne en général.

Un cri strident attira toute mon attention alors que je venais de terminer ce premier échange de coup. Arsiesys, « l'Archer de Mana », venait d'abattre son antagoniste, une Walkirye semblait-il. Eh bien, mon compagnon est devenu vraiment très puissant pour éliminer un tel ennemi aussi rapidement. « Ne jamais baisser sa garde », ça aussi, Père le répétait sans cesse et je ne le retenais jamais. Le coup que je venais de me prendre confirme d'ailleurs ma pensée. Car pendant que mon attention était portée sur la créature volante, le porc lui, ne m'avait pas oublié. Usant de son fléau, il me frappa brutalement dans les côtes, me faisant tomber au sol. Fier de lui, il m'adressa un deuxième coup dans l'estomac, me faisant cracher du sang. Merde, me voilà dans une situation peu enviable. Le « Borick » tenta alors une troisième frappe sur moi mais il n'en eut l'opportunité: d'un coup de pied bien posé sur son estomac, je l'ai repoussé, de manière à gagner suffisamment d'espace pour pouvoir me relever sans qu'il me frappe. C'est donc ce que j'ai fait: je me suis relevé et j'ai repris mon arme en main. Me positionnant de nouveau en posture de combat, j'attendais que la créature s'amène de nouveau sur moi afin que je lui fasse connaître la force de mon trident. Si j'en ai l'occasion, tout du moins.

Je sentais qu'on en avait plus pour très longtemps. Mon souffle était de plus en plus laborieux, m'enfonçant des vrilles de douleur à chaque respiration. Et cela limitait mon agilité, tandis que je progressais près des deux monstres, les collant autant que possible pour passer sous le champs d'action de leurs fléaux, qui je dois dire avaient été assez sympathiques à mon égard. Non merci, je n'avais plus faim. C'est donc avec moult efforts accrus que je progressais entre les deux porcins, leur offrant une démonstration d'équilibriste assez étonnante je dois dire, quand on prend en compte mon éat, qui était assez déplorable. Enchainant roulade et pirouette, je finissais même par enfoncer d'un bond ma dague dans le poitrail d'un de mes adversaire, le plus en retrait, qui accueillit ce don avec force couinements. La riposte fut prompte, un bourre pif de la part de son acolyte, qui me fit voir trente six chandelle. Et ce fut le départ de la mise à mort.

Ils avaient compris, les raclures. Tentant de me bourrer de coups, ils se lancèrent dans une campagne de punition, qui ne me réduit pas en bouillie du simple fait que, mué par l'énergie du désespoir, je sautais partout comme un cabris. Cependant, toutes les bonnes choses ayant une fin, je finissais comme une loque, volant au sens propre sur toute la longueur du pont, tandis qu'un crochet me surprenait à la sortie d'une de mes cabrioles.

On était vraiment mal, là. A peine sortit de notre port d'attache, que nous étions déjà la cible d'attaques, qui se soldaient pour ma part par un fiasco complet. Comment allais je pouvoir faire bonne figure, pour la suite, alors que j'étais déjà réduit à l'état de croque-monsieur? Les interrogations se succédaient, sachant que je n'avais que ça à faire, de toute façon. Si, au travers du brouillard de ma demi-conscience, je distinguais vaguement la silhouette de mes agresseurs luttant contre mon petit moine, qui faisait front vaillamment. J'espérais qu'il allait tenir le coup, le temps que les autres trouvent le moyen de nous sortir de la panade. Car pour moi, c'était fini.

Il était flagrant que si la chance et la déesse de la victoire lui avaient dédié leurs plus beaux sourires, ce n'était pas le cas des membres de cet équipage de fortune qu'était le Divum Legi une fois à bord de l'embarcation dont les titres de propriétés revenaient à ce cher Casey. Du moins était-ce ce que pouvait reconnaitre le fils du désert en laissant ses yeux se promener d'un flanc à l'autre du navire pour suivre les combats qui y avaient éclaté en plus du sien, et menaçaient de laisser ses comparses sur le carreau s'il n'intervenait pas très vite. Par chance, le fléau céleste qu'il venait d'expédier par le fond ne faisait pas mine de remonter et il pouvait donc se mouvoir à sa guise, sans crainte d'être harcelé par cette mégère à plumes. Priorité à Casey, qui était à première vue le plus mal en point ; son trident venait d'être retourné contre lui non sans une certaine virulence dans le geste qui fit grimacer l'archer de douleur, par empathie. Mais l'heure n'était pas à la sensiblerie mais bien au sauvetage à l'état brut, puisqu'il était le seul à pouvoir se faire l'homme de la situation en leur sauvant la mise. Cependant, l'hybride porcin avait réalisé par ce geste une négligence qui allait lui coûter bien plus que la victoire : sa peau. Cette solution exclurait les divagations gastronomiques du propriétaire du bâtiment nautique sur lequel se déroulaient les combats mais au moins s'en tirerait-il sain et sauf, si du moins on pouvait faire abstraction des quelques trous laissés dans son buste par cette perforation inopinée. Déséquilibré par la brusque extraction de ce pal de fortune de la part de son propriétaire d'origine, il n'eut les moyens que de pousser un « grouik » de perplexité quand il fut percuté en plein torse par l'éclair bleuâtre d'une flèche de mana, ce avant de passer par dessus la rambarde, prolongeant son cri tandis qu'il chutait, en partance pour un voyage sans retour.

Désolé pour tes perspectives culinaires, mais je pense que le cuisiner sera dur désormais. Cependant, tu as du voir comme moi qu'il ne paraissait pas très enclin à finir dans l'assiette, et je puis deviner que sa viande aurait été un peu trop coriace pour être digeste...

Sur cette phrase teintée d'ironie, il abandonna son sourire pour s'accrocher à quelques cordages trainant à sa portée et ensuite cisailler les attaches qui les retenaient de ses dagues. L'absence de blocage les fit partir dans le sens opposé à toute allure. Aussi grosses soient-elles, des cordes ne neutraliseraient certainement pas à elles seules ces passagers clandestins aux attitudes si rustres, mais y disposer un historien en accompagnement avait toutes les chances d'alourdir ce projectile rudimentaire filant vers le groupuscule désireux de mettre à sac leur galère. Ses pieds s'écrasèrent sur les groins des malheureux qui ne s'en sortirent pas mieux que leur camarade et finirent jetés à la mer, ou plutôt dans les tréfonds de cette marée nuageuse sur laquelle lévitait l'Odyssée depuis le début de cette croisière déjà bien agitée par des remous imprévus. Bien que surpris de sa propre audace guerrière, et saisi de voir avec quelle bravoure déconcertante il venait de faire le ménage parmi ceux que ses acolytes avaient échoué à éliminer, l'historien resta bouche bée tandis que ses pieds touchaient à nouveau terre... Si on pouvait indiquer de la sorte le bois trempé de sangs mêlés en une marre écarlate disséminée ça et là.

Veuillez m'excuser pour le vol éhonté de vos adversaires, mais j'estime que la sécurité du galion est prépondérante lors d'une croisière si l'on veut éviter d'aller explorer les fonds marins... D'autant plus que je ne tiens pas à vérifier ce qui se cache sous cette mer qui ne semble guère avoir besoin de s'embarrasser d'un fond. Plus important, vous sentez-vous bien ?

Un oeil scrutateur passa sur les trois visages à tour de rôle tandis qu'une étincelle s'allumait au creux de sa paume et y adopta des propriétés médicinales pour rétablir d'éventuelles plaies trop graves pour être laissées de côté. Sa cicatrice à la jambe n'était qu'une douleur superficielle et il pourrait la traiter ultérieurement, une fois que d'hypothétiques dommages plus sévères que les siens auraient été estompés pour éviter que ne s'aggravent les lésions résultant de cette collision avec les animaux de basse-cour.

De quoi dissuader de visiter une ferme pour le restant de ses jours...

Je maudis cet ennemi... Je ne sais guère si cela est du à sa corpulence, bien plus robuste que la mienne, ou bien à son équipement mais aucun de mes coups n'arrivait à passer. Mon trident se révélait d'une inutilité déconcertante, chose qui me surprenait plus qu'autre chose. Et si mon arme la plus puissante échouait face à une telle personne, alors il fallait oublier mon arme secondaire ainsi que mes compétences au corps à corps. Je devais encore tenter ma chance, je n'avais guère le choix. Faisant un mouvement rotatif avec l'arme de Poséidon, je me mis à combiner mes talents de guerrier tout comme ceux de magicien: avec l'un, je portai plusieurs frappes à l'aide de la partie contondante de mon arme, tandis qu'avec l'autre je m'amusai à me téléporter sur des courtes distances pour surprendre mon ennemi. Et bien qu'au départ, cette tactique ne marcha pas, je finis par en obtenir d'excellents résultats: les crocs de Calypso avaient, enfin, réussi à dévorer la résistance extrême du porc, perforant sa chair, libérant son liquide vital et lui faisant pousser un cri de douleur. Touché. Cependant, sa réplique fut immédiate et me calme aisément: une grande gifle sur mon visage. Bien fort, le coup de main me fit faire un vol plané avant de me faire heurter brusquement le mur extérieur de la cale et créant une souffrance impensable au dos.

Une telle frappe ne m'avait pas assommée mais elle m'avait imposé une contrainte regrettable: l'inertie de mon corps. En effet, que ce soit mes bras ou mes jambes, tout était statique chez moi me plaçant dans une situation particulièrement dangereuse. Le Borick s'approchait de moi, à pas lent, le fléau au main et un sourire sadique sur son visage abominable. Un souffle nauséabond était émis de sa bouche légèrement entrouverte, l'odeur parvenait jusqu'à mes narines et me mettant mal à l'aise, j'en avais presque envie d'en rejeter mon repas. Cependant, mon sauveur arriva, bien qu'avec un peu de retard, en envoyant une flèche azur sur mon ennemi, l'envoyant faire une plongée éternelle dans ce décor qu'est l'Océan Céleste. Il me taquina par la suite et je ne pus m'empêcher de lui sourire: bien qu'il s'était permis de me dire une chose de la sorte, j'en étais amusé et j'étais heureux que ce soit lui qui m'ait prêté main forte. Lui et personne d'autre. Mais alors que je le regardai partir, une sensation étrange se fit sentir en moi. Quelque chose de pointu venait de me heurter et me piquait de manière intense. Regardant alors ce que c'était, je vis qu'un Borick (Sans doute était-il dissimulé) venait de me transpercer le torse avec ma propre arme, Calypso. Le croc le plus à l'Est manqua de quelque centimètres de percer un ventricule, ce qui aurait causé ma mort immédiate, je pense. Je ne pus alors m'empêcher de pousser un horrible cri d'agonie, qui effrayerait certainement mes camarades. Mon teint changea du tout au tout, devant plus pale que jamais tandis que ma respiration devenait extrêmement difficile. Le Borick, pour une raison inconnue, sauta par-dessus bord, fier de ce qu'il venait de faire... Et il y avait de quoi... Cet ahuri sera peut-être celui qui aura réussi à me tuer... Merde.